16.09.2020 Un festival de l’habitat léger dans une ferme au cœur d’une longue histoire judiciaire

Un festival de l'habitat léger dans une ferme au cœur          d'une longue histoire judiciaire

16-09-2020 à 15:40 – Michel MOTTE – L’Avenir – La brasserie de la Lesse était présente (sous habitat léger…) EdA

Les problèmes judiciaires du maraîchage agroécologique y ont amené les «Rencontres de l’habitat léger».

Il y a deux ans, quatre jeunes venus de Bruxelles et de France ont investi un site de 3 ha environ, le long de la route menant d’Haversin, à Buissonville. Ils voulaient y réaliser, sous forme d’ASBL, une ferme agro-forestière sans animaux mais cultivant des légumes et des arbres fruitiers.

Les premiers moments ont été pénibles. D’une part, comme ils avaient prévu d’établir de quoi se loger, l’administration communale de Rochefort les avertissait qu’il fallait, pour mettre tout cela en œuvre, un permis d’urbanisme. Le terrain est devenu une ferme de maraîchage agroécologique mais, le temps leur paraissant long pour avoir le permis, les initiateurs ont commencé à implanter des serres – tunnels, sur une superficie de 4 ares ; planté 300 arbres et amené une tiny house, petite maison sur roues de quelques mètres carrés, et une caravane.

Un festival de l'habitat léger dans une ferme au cœur          d'une longue histoire judiciaireL’habitat léger de la ferme : la tiny house et le container maritime aménagé en logis EdA

Tout le monde ne semblait pourtant pas apprécier l’arrivée du quatuor courageux. Un matin, ils ont découvert que des vandales étaient venus lacérer toutes les serres et que les arbres fruitiers avaient été soit arrachés, soit cassés. Avant même de commencer à produire, les maraîchers subissaient déjà un préjudice de 13 000€. Mais ils se sont remis au travail et ont commencé à produire des légumes bios, appréciés par les commerces et restaurants. Ils proposent aussi leurs produits le vendredi après-midi au marché du relais, à Rochefort.

À l’époque, la bourgmestre de Rochefort nous avait dit qu’elle n’avait aucun a priori sur le projet mais que ses initiateurs devaient obéir à la loi. Elle constatait qu’ils n’avaient pas de permis…

Deux ans plus tard, les jardiniers-entrepreneurs n’ont toujours pas le permis mais ils ont poursuivi l’implantation de leur projet. Un avocat a été engagé mais les choses durent. La ferme est actuellement engagée dans une procédure judiciaire historique : celle du premier cas d’habitat léger poursuivi au pénal pour l’installation d’une tiny house, d’un container et d’un petit chalet servant d’espace de travail.

Les Rencontres de l’habitat léger

C’est pourquoi Les Rencontres de l’habitat léger se sont déroulées, samedi, à la ferme désormais nommée Le Nord. Un événement autour de l’habitat léger et plus largement des manières d’habiter et d’organiser les territoires. Pour l’occasion, la ferme s’était transformée en un mini-village éphémère d’habitats légers où se sont déroulés causeries et rencontres, ateliers pour petits et grands et même des concerts.

Un festival de l'habitat léger dans une ferme au cœur          d'une longue histoire judiciaireUne serre dédiée à la production de plants à repiquer EdA

Quelques types d’habitats légers étaient présents sur place : une tiny house, un ancien container maritime aménagé, une roulotte transformée en bar, une yourte événementielle, une tente nomade, etc.

On y trouvait aussi une éolienne et des panneaux solaires pour l’alimentation en électricité de la ferme.

Une longue histoire judiciaire

Plus de 200 personnes étaient attendues pour partager des vécus, tisser des liens entre habitants et sympathisants du léger issus de Condroz-Famenne et d’ailleurs. Mais aussi, certains étaient là pour soutenir la ferme dans sa procédure judiciaire, dégager des pistes d’action concrète pour faire avancer le droit de vivre et habiter autrement.

Un festival de l'habitat léger dans une ferme au cœur              d'une longue histoire judiciaireLes serres et les jardins à ciel ouvert. EdA

L’histoire de la ferme est pleine de rebondissements administratifs et témoigne de la difficulté à échapper à la norme. Ce cas, selon les organisateurs, interroge aussi plus largement le développement territorial : en ces temps mouvementés de crise du Covid, les questions de souveraineté alimentaire et d’habitat sont soulevées.

L’événement de samedi a tenu ses promesses. Il y avait du monde et il marquait le lancement par les habitants du Nord d’un appel à contributions pour financer les frais de justice (avocats et amendes). Toutes les recettes de l’événement allaient en ce sens.

Qu’est-ce que l’habitat léger ?

Quand on parle d’habitat léger, on parle de yourtes, roulottes, tiny houses, containers aménagés, chalets, caravanes, mobilhomes, kerterres (dômes fabriqués à partir de sable, de chaux et de chanvre) et autres habitats insolites qui peuplent de plus en plus les villes et les campagnes belges.

Celles et ceux qui optent pour ce type d’habitat sont poussés par des motivations économiques mais aussi écologiques et politiques. Les habitants du léger rassemblent une diversité de profils : personnes en quête d’alternative écologique et sociale, résidents de zones de loisirs ou encore gens du voyage. On estime leur nombre à plus de 25 000 en Wallonie.

Un festival de l'habitat léger dans une ferme au cœur              d'une longue histoire judiciaireUn panneau qui en disait long sur l’objectif de ces Rencontres. EdA

La reconnaissance juridique de l’habitat léger par le Parlement wallon (un décret modifiant le Code wallon du logement est entré en vigueur le 1er septembre 2019) et a fait grand bruit dans les médias.

Malgré ces avancées juridiques, les normes actuelles placent aujourd’hui encore la plupart des habitants dans une situation d’illégalité. D’une commune à l’autre, l’interprétation et l’application de la loi divergent fortement. Le mouvement d’ouverture semble se heurter à un mouvement inverse de crispation : de nombreux habitants se sentent malmenés par les autorités communales et régionales, par la police…

«Pourtant, l’engouement actuel est le reflet d’une société en mutation, dans un contexte de crises multiples – au premier rang desquels une crise structurelle du logement et une crise écologique… Pour les défenseurs de l’habitat léger, ces manières d’habiter constituent des formules innovantes, plus économes, plus respectueuses de l’environnement. II s’agit de réponses populaires et créatives qu’il importe de faire reconnaître, et de valoriser : elles ne sont pas seulement des pratiques sociales marginales de survie, ou utopiques, faisait remarquer un participant aux ateliers de réflexion.

 

https://www.lavenir.net/cnt/dmf20200916_01509343/un-festival-de-l-habitat-leger-dans-une-ferme-au-coeur-d-une-longue-histoire-judiciaire