Conférence du 10 octobre à Ottignies-Louvain-la-Neuve : « Expériences et bonnes pratiques du séjour temporaire en Wallonie »


CMGV

Ce lundi 10 octobre 2016, le Comité National des Gens du Voyage et le Centre de Médiation des Gens du Voyage, en collaboration avec la Ville d’Ottignies-Louvain-la-Neuve, ont eu le plaisir d’organiser une conférence à l’Hôtel de Ville d’Ottignies-Louvain-la-Neuve, axée sur les expériences et bonnes pratiques du séjour temporaire en Wallonie. Cette conférence a réuni un public tout particulièrement confronté à l’opinion publique des populations locales : des élus locaux, des représentants provinciaux (y compris de Flandre), des coordinateurs communaux, mais aussi bon nombre de représentants de la police. Nous souhaitons saluer la présence de chacun de ces acteurs, impliqués de près dans la gestion du séjour temporaire des Gens du Voyage. 

Les mots d’accueil de l’Echevin aux Droits de l’Homme de la Ville d’Ottignies-Louvain-la-Neuve, Monsieur Michel Beaussart, ont permis de resituer la question de l’accueil des Gens du Voyage comme une réalité de tous les jours, qui nécessite des réponses concrètes et proactives. Ce fut l’occasion d’aborder les risques socio-économiques liés au manque actuel de terrains de passage, ainsi que le danger d’une perte culturelle chez une communauté qui partage pourtant notre passé et contribue à la richesse culturelle de la Belgique.

Ce sont ces constats qui ont poussé la Ville d’Ottignies-Louvain-la-Neuve à organiser l’accueil des Gens du Voyage, avec la location intermittente d’un terrain pouvant accueillir une vingtaine de caravanes. Ce terrain, ainsi que son mode de fonctionnement avant, pendant et après la venue d’un groupe, ont été présentés par Madame Séverine Lemaire, coordinatrice communale chargée de l’accueil des Gens du Voyage. Madame Lemaire a exposé la procédure suivie dans la gestion des séjours, à la fois sur le plan pratique, logistique et relationnel. Ces méthodes d’organisation du séjour temporaire, élaborées en considération des besoins des Gens du Voyage aussi bien que de ceux de la population locale, ont fait qu’un projet d’abord appréhendé par le voisinage ne pose aujourd’hui pratiquement plus de problème.
Nous avons ensuite été honorés par la présence de Monsieur Alain Reyniers, ethnologue et universitaire (UCL), spécialiste du monde tsigane. Il a commencé par rappeler qui sont les Gens du Voyage, une clarification qui a permis de souligner les origines communes avec la population belge ainsi que d’entamer une réflexion plus approfondie sur l’univers culturel de l’itinérance. Cet univers de voyage a été mis en lien non seulement avec sa dimension historique, mais aussi avec celles d’une nécessité professionnelle (travail itinérant) et d’une préservation des relations familiales et communautaires. Forte d’une longue expérience auprès des Gens du Voyage, l’intervention riche de détails de Monsieur Reyniers a permis d’exposer comment la pérennité du mode de vie mobile relève de la survie d’une communauté entière, non seulement sur le plan culturel, mais aussi et surtout sur le plan de la survie économique et sociale.

Pour en témoigner, nous avons eu le plaisir de compter parmi nos intervenants Monsieur Etienne Charpentier, président du Comité National des Gens du Voyage. Ce dernier a exposé le point de vue de la communauté du Voyage sur le séjour temporaire en Wallonie, perçu aujourd’hui encore comme un parcours d’obstacles. Pour les Gens du Voyage, le problème majeur est le sévère manque d’accueil, et, parallèlement, la multiplication des expulsions. Ces conditions repoussent sur les routes des familles entières qui ne savent où s’arrêter, ce qui est source de stress, de rupture mais aussi d’un considérable appauvrissement. Monsieur Charpentier a donc profité de l’occasion pour insister une fois de plus sur l’urgence d’organiser le séjour temporaire des Gens du Voyage en Wallonie : « Nous sommes là, nous existons et il faut faire avec nous ».

Ensuite, l’intervention de Monsieur Jean-Marie Dermagne, avocat au barreau de Namur, a permis de rassembler quelques clés juridiques ayant directement trait aux conditions de vie des Gens du Voyage. Monsieur Dermagne a ainsi passé en revue des éléments du droit international, notamment la Convention des Droits de l’Homme (qui protège le droit à la vie privée et familiale, ainsi que le droit au logement) mais aussi les principaux arrêts de la Cour Européenne des Droits de l’Homme qui ont concerné des Gens du Voyage. Face à des acteurs particulièrement confrontés à l’opinion publique dans leurs fonctions, ces quelques clés ont replacé la question peu populaire de l’accueil des Gens du Voyage dans son cadre de légalité formelle, au cœur des obligations existantes qui doivent trouver une application sur le terrain au jour le jour.
Enfin, Ahmed Ahkim, Directeur du Centre de Médiation des Gens du Voyage a conclu la conférence par des recommandations concrètes sur les moyens que nécessite l’organisation du séjour temporaire. L’expérience du Centre de Médiation a démontré que ceux-ci peuvent être relativement limités au niveau technique, puisque les aménagements essentiels se limitent à un accès à l’eau et à l’électricité durant la durée du séjour. Un temps, un lieu : c’est la base. Du reste, Monsieur Ahkim a mis l’accent sur l’importance de l’organisation humaine, qui permet un dialogue fluide avec le groupe en séjour temporaire ainsi qu’une communication claire et rassurante avec les voisins.
Ces différentes interventions ont été suivies d’un débat avec un public soucieux d’apporter des réponses viables et durables aux problématiques rencontrées par les Gens du Voyage, qui ne peuvent plus être ignorées. Dans ces interactions, il a été question notamment de la difficulté effective de se saisir du droit international au niveau local, ainsi que de l’importance du développement de projets de sensibilisation des populations locales. Mais aussi et surtout, il a été question de la nécessité de promouvoir l’accueil en Wallonie et en Région Bruxelloise, afin d’éviter le phénomène d’engorgement des communes accueillantes et d’enfin être en mesure de garantir un accueil digne aux familles du Voyage en Belgique. Au sortir de cette soirée d’échange, l’équipe du Centre de Médiation des Gens du Voyage, le Comité National des Gens du Voyage et la Ville d’Ottignies-Louvain-la-Neuve espèrent que les contributions des différents intervenants seront sources d’un nouvel élan pour tous les acteurs impliqués, dans la recherche et la promotion de réponses aux besoins et réalités abordés.