Déportation et génocide des Gens du voyage de Belgique

LES GENS DU VOYAGE EN BELGIQUE : UNE PRÉROGATIVE DE LA POLICE DES ETRANGERS

L’historienne France Nezer, dans son ouvrage « La sûreté publique belge face aux Tsiganes étrangers », explore les politiques discriminatoires mises en place à l’égard des Tsiganes en Belgique entre 1858 et 1914. Pendant cette période, les populations tsiganes, quelle que soit leur origine, étaient sous la responsabilité de l’administration de la Sûreté publique, un organe central de la Police des Étrangers. Les mesures prises visaient principalement l’expulsion et le renvoi des Tsiganes aux frontières, souvent justifiées par la perception de leur mode de vie mobile comme une menace pour l’ordre public. Les responsables de la Sûreté publique critiquaient ouvertement le mode de vie mobile Tsigane, qualifiant leur mode de vie d’errance et appelant à leur éloignement du territoire belge.

L’ÉVOLUTION DU STATUT DES GENS DU VOYAGE EN BELGIQUE

La période qui suit l’indépendance de la Belgique en 1830 marque un tournant dans la perception et le traitement des populations nomades. Alors que les Tsiganes capables de prouver une installation durable sur le territoire pouvaient acquérir la nationalité belge, ceux qui maintenaient un mode de vie mobile se retrouvaient systématiquement classés comme « nomades étrangers de nationalité indéterminée ». Ce statut les exposait à un contrôle accru de la Sûreté publique, les soumettant à des mesures de surveillance
et d’expulsion. Les Gens du voyage, y compris ceux nés en Belgique, ne bénéficiaient d’aucun droit de résidence, rendant leur situation précaire. De nombreuses familles ont ainsi été reconduites à la frontière, illustrant les défis auxquels ils faisaient face dans un contexte de contrôle strict des étrangers et de stigmatisation croissante.

HISTORIQUE DU FICHAGE DES TSIGANES EN BELGIQUE

Le fichage des Gens du voyage en Belgique a des racines qui remontent à la fin du 19ème siècle, coïncidant avec les débuts de la police scientifique et de l’invention de la photographie. C’est en 1933 que des mesures administratives significatives ont été mises en place. La Police des Étrangers a introduit un système de « feuille de route », obligeant les Tsiganes à s’identifier par le biais de photographies, de dactyloscopies
(empreintes digitales) et d’attributs que l’on qualifierait aujourd’hui de biométriques.
Ce document, valable trois mois, était soumis à des restrictions de circulation, laissant aux autorités communales le soin de décider des conditions de stationnement. Ce contrôle administratif a été renforcé par des accords avec la France, facilitant la surveillance de ces populations.

L’IMPACT DE L’OCCUPATION NAZIE

Avec l’arrivée des nazis en Belgique, le traitement des Tsiganes a pris une tournure tragique. En novembre 1940, une ordonnance interdisant le commerce ambulant a été adoptée, marquant le début d’une série de mesures discriminatoires. En avril 1941, des directives raciales explicites ont été mises en oeuvre, interdisant la présence des « nomades de race » sur le territoire. La circulaire du 12 décembre 1941 a remplacé la feuille de route par une « carte de nomade », rendant son port obligatoire pour tous les Tsiganes de 15 ans et plus.
Ce système a permis un recensement détaillé des Gens du voyage, facilitant leur contrôle et leur persécution. Ce recensement forcé, ayant mené aux rafles et à la déportation massive a marqué les Gens du voyage dans leur chair et leur mémoire.

STIGMATISATION ET CONSÉQUENCES DURABLES

Les mesures de fichage et de contrôle ont eu des conséquences dévastatrices pour les Gens du voyage
en Belgique. En plus de la centralisation des données sur leur population, ces politiques ont renforcé
les stéréotypes racistes et la suspicion à leur égard. Les Gens du voyage ont été ostracisés, et leur
mode de vie a été criminalisé, préparant le terrain pour des mesures encore plus extrêmes. L’historien
Herman van Goethem souligne que la pensée raciale, qui considérait les Roms comme inférieurs, était
largement acceptée en Europe, contribuant à la légitimation des persécutions. Ce contexte a conduit à
un recensement majeur et à un fichage systématique, qui ont facilité les arrestations et les déporta-
tions tragiques des Gens du voyage pendant la guerre.

Aller plus loin : memoirestsiganes.be

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