Synthèse de la table-ronde organisée lors de la Journée des Gens du voyage le 14 mai 2024
Les Gens du voyage font face à de nombreux obstacles pour vivre dignement en caravane, que ce soit pour des séjours temporaires ou pour l’aménagement de terrains familiaux résidentiels. Ces difficultés se traduisent souvent par une relégation vers des zones industrielles abandonnées et périphériques, des refus de permis d’urbanisme, ou le rejet de demandes de séjour sous prétexte de dégradation des lieux, de salubrité ou de sécurité environnementale. Chaque intervenant a souligné ces enjeux comme étant critiques pour le respect du mode de vie des Gens du voyage.
Une discussion approfondie s’est tenue, en particulier sur la question de l’habitat léger et l’ineffectivité du cadre législatif en vigueur. En 2019, la Région wallonne a intégré la notion d’habitat léger dans le Code wallon de l’Habitat Durable, permettant à chacun de vivre selon son mode de vie. Toutefois, à ce jour, aucun permis d’urbanisme n’a été accordé pour installer des caravanes sur un terrain familial via la procédure simplifiée prévue pour l’habitat léger. Au contraire, il existe de nombreux exemples où l’absence de ce permis d’urbanisme a été invoquée pour justifier l’expulsion des terrains familiaux. Chaque intervenant a souligné à plusieurs reprises que, même lorsqu’ils sont propriétaires du terrain et que les installations respectent les règlements d’urbanisme en vigueur, les Gens du voyage sont trop souvent confrontés à des refus de permis d’urbanisme, des arrêtés d’expulsion ou des refus de domiciliation. Ces obstacles les privent d’un habitat digne et d’un accès complet à leurs droits sociaux et citoyens.
Les participants ont aussi relevé une opposition de plus en plus fréquente entre la défense des droits des Gens du Voyage et celle d’environnements naturels, rares ou protégés. A titre d’exemple, un permis d’urbanisme pour une aire d’accueil à Charleroi a été refusé par le SPW en raison de la protection d’un habitat naturel abritant une espèce protégée de grenouille. Cette situation met en évidence les tensions entre différentes politiques, celle de la protection de l’environnement et celle concernant l’accueil des Gens du Voyage.
De nombreux autres cas où le droit des Gens du voyage à vivre selon leur mode de vie se heurte à des politiques ou à des mesures de défense de l’environnement ont été évoqués : expulsions de terrains familiaux en raison de risques pour leur sécurité liés à la proximité des cours d’eau, interdictions de séjour en raison de la proximité de sites naturels, …
Les Gens du voyage, d’une part, se posent la question d’une éventuelle instrumentalisation des enjeux environnementaux et d’autre part, rappellent que le mode de vie des Gens du voyage est particulièrement compatible avec la protection et le respect de l’environnement. Ils ont d’ailleurs toujours été très proches de l’environnement naturel qu’ils respectent car il a toujours été à la source de leur bien-être.
Ils nous rappellent qu’ils sont d’ailleurs particulièrement victimes des dégradations de l’environnement. En France, William Acker a révélé que 50 % des aires d’accueil sont construites sur des terrains pollués et que beaucoup se trouvent à proximité directe de déchetteries ou d’incinérateurs. Son ouvrage « Où sont les Gens du Voyage ? » propose une analyse critique de la géographie, de la topographie et de l’urbanisme des aires d’accueil en France. Il met également en lumière l’écart d’espérance de vie entre les Gens du voyage et les sédentaires. En France, un Voyageur peut s’attendre à vivre 15 ans de moins qu’un sédentaire en raison d’une surexposition aux polluants. En Belgique, bien qu’il n’existe pas de données statistiques sur ce sujet, il est clair que des problèmes similaires existent. En cas de demande de séjour en caravane, les Gens du voyage sont bien souvent orientés vers des zones en friche, (post)industrielles et périphériques. Lors de la tableronde, plusieurs anecdotes ont été partagées, relatant des séjours organisés près d’usines ou de sites industriels en activité. En raison des pollutions émises, ces groupes ont souvent été forcés de partir rapidement.
Cette table-ronde a permis aux intervenants de partager leur quotidien et de souligner le manque flagrant de droits effectifs garantissant un habitat digne et un environnement sain pour les Gens du voyage. Leur partage d’expérience a permis aux participants de la journée des Gens du Voyage de mieux comprendre ces réalités et de pouvoir adapter leur pratique, voire leur politique, au niveau local ou régional.